ALFRED PORTENEUVE (1896-1949)
TABLE AFRICANISTE vers 1934/35
Piètement en ébène de Macassar massif, constitué de quatre pieds monoblocs, tournés “en vis de pressoir”, réunis par une entretoise à grosses chevilles apparentes amovibles.
Plateau en plaquage d’ébène de Macassar veiné, à deux rallonges amovibles aux extrémités.
Qualité exceptionnelle des essences de bois provenant du stock Ruhlman.
Non estampillée.
Longueur : 167,5 cm / 267,5 cm – largeur 105,5 cm – hauteur 76,5 cm
Commande spéciale en pièce unique auprès de Porteneuve pour un hôtel particulier du quartier de Retiro à Buenos-Aires, fournie par la maison d’ameublement Ducreux, qui disposait de représentations à Paris et à Buenos-Aires afin d’exporter le mobilier français en Argentine alors 5ème puissance commerciale mondiale.
Étiquette AMEUBLEMENTS M. DUCREUX PARIS – BUENOS AIRES collée sous la ceinture du plateau.
Cette table, utilisable en bureau, comme en table de salle à manger avec ses rallonges ouvertes, bien que très particulière, s’inscrit dans la continuité de l’œuvre de Jacques-Émile Ruhlmann.
D’une part, l’on compte plusieurs modèles de tables et bureaux aux pieds sculptés ou tournés “en balustre”, “en double-cloche” où “en vis de pressoir”, réunis par une entretoise.
Citons, la grand table circulaire du Rendez-vous des pêcheurs de truites réalisée avec l’étroite collaboration d’Alfred Porteneuve, pour le Salon des Artistes Décorateurs de 1932, munie d’un piètement central constitué d’un assemblage de quatre pieds imposants aux angles arrondis sculptés “en vis de pressoir”.
D’autre part, plusieurs réalisations marquantes de la deuxième moitié des années 20 à 1931, relèvent du courant africaniste, d’où cette table puise son inspiration.
L’africanisme, courant artistique et littéraire encouragé par l’expansion coloniale, qui s’étend du milieu du XIXème siècle jusqu’aux années 1960, est à son apogée en France dans les arts décoratifs des années 1920/30, particulièrement depuis la Croisière noire, expédition en autochenille Citroën menée sur 20.000 kilomètres à travers l’Afrique en 1924/25, par Georges-Marie Haardt, dont Ruhlmann aménage entièrement l’appartement de la rue de Rivoli en 1927 ainsi que son bureau de direction chez Citroën place de l’Opéra.
Le salon-galerie de l’appartement orné des portraits ethnographiques du peintre de l’expédition Alexandre Iacovleff ; ainsi que le bureau de Haardt, avec sa table-bureau à quatre pieds en bois massif sculptés en “double-cloche” réunis par une entretoise, dont le concept est identique à celui de notre table, sont particulièrement remarquables.
Le point culminant de l’africanisme sera l’inauguration du Musée des Colonies au Palais de la Porte Dorée à l’occasion de l’Exposition Coloniale de 1931, dont le Salon Afrique situé à l’angle du hall d’honneur est également l’une des réalisations les plus prestigieuses de Ruhlmann.
Bureau de Georges-Marie Haardt, modèle “double-cloche”, 1927.
Après la disparition prématurée de Ruhlmann en 1933, Porteneuve, son neveu et proche collaborateur durant dix ans, poursuivra la fabrication de certains de ses modèles avec l’aval de sa tante Marguerite Ruhlmann, estampillés « Modèle Ruhlmann, édité par Porteneuve ».
Parallèlement, il réussit à se faire un nom avec ses propres créations jusqu’à la fin des années 30, avec une qualité d’exécution parfaite, étant réalisées par Jules Deroubaix, l’ébéniste favori de Ruhlmann.
Avec le choix d’un piètement en ébène de Macassar massif, à quatre pieds tournés “en vis de pressoir”, réunis par une entretoise à chevilles, préfigurant les assemblages des meubles primitivistes d’Alexandre Noll des années 50, l’ensemble coiffé d’un plateau en ébène de Macassar magnifiquement veiné, Porteneuve réinterprète avec brio les influences hérités de sa collaboration avec Ruhlmann.
Il reprendra ce type de piètement pour un bureau-table à jeux en merisier massif, vers 1937.
Bureau-table à jeux, merisier massif, vers 1937.