Le Corbusier

Ahmedabad 1951-1954

 

Le Palais des Filateurs

« La situation du bâtiment dans un jardin dominant le fleuve et le spectacle si pittoresque des teinturiers artisanaux lavant leurs cotonnades et les séchant sur le sable en compagnie des hérons, des vaches, des buffles, des ânes à demi immergés pour se tenir au frais, était une invitation à ménager, par l’architecture (…) des vues servant de cadre aux travaux quotidiens comme aux fêtes du soir (…) ».

Le Corbusier

 

© Photos Lucien Hervé. Getty Fondation, Los Angeles.

(…) « Cependant, à un continent de là, son architecture triomphait : le Palais des Filateurs ouvrait ses portes à Ahmedabad.

Les Filateurs, une association de propriétaires d’usines textiles, s’inscrivaient dans la clientèle haut de gamme dont Le Corbusier raffolait. Riches et éminents, ses membres appartenaient à l’une des plus hautes castes de la société indienne (les Jaïns) et étaient réputés pour leur générosité et leur sens civique.

Ils vouaient à Le Corbusier un respect total.

Ahmedabad comptait une population d’environ 1 million d’âmes. Le Mahatma Gandhi, naguère possesseur d’un modeste enclos au bord du fleuve dans les faubourgs de la ville de 1915 à 1950, avait joué un rôle décisif en instaurant des liens entre les filateurs et leurs ouvriers. Leur organisation, qui tenait à favoriser un esprit de bonne volonté et de progrès mutuels, voulait disposer d’un lieu de réunion propre à renvoyer l’écho de l’harmonie humaine qu’ils préconisaient. Cherchant un cadre naturel pour leurs sessions, ils avaient acquis un terrain qui donnait sur le fleuve. En mars 1951, le président de l’association, Surottam Hutheesing, avait demandé à Le Corbusier de concevoir leur siège.

Le Corbusier imagina d’entrée de jeu un bâtiment qui aurait le prestige d’un palais privé. Mais au lieu d’abriter une cour royale et de mettre l’accent sur la somptuosité, ce Versailles dépouillé devait offrir aux visiteurs « le spectacle si pittoresque des teinturiers artisanaux lavant leurs cotonnades et les séchant sur le sable en compagnie des hérons, des vaches, des buffles, des ânes à demi immergés pour se tenir au frais ».

 

© Photo E. Touchaleaume. Archives Galerie 54, Paris.

L’édifice consisterait en une plate-forme ouverte sur un panorama ; son aspect extérieur passait au second plan. Le Corbusier conçut les principaux éléments de chacun des niveaux comme des encadrements. L’architecture se proposait d’agencer et composer les innombrables éléments de la vue grâce à des fenêtres panoramiques sans vitrages pour le plaisir du personnel du bâtiment ainsi que des éminents filateurs lors de leurs assemblées périodiques.

Le palais est pour l’essentiel un cube à subdivisions intérieures complexes. Il ne comporte ni portes, ni fenêtres, seulement des ouvertures dans les murs. Cinquante pour cent de l’espace intérieur est vide, dénué de fonction précise et de mobilier ; des oiseaux en plein vol le traversant, le bâtiment semble exister autant pour eux que pour ses visiteurs humains. On a là une sculpture stupéfiante, un monument alerte et rythmé, dans lequel le béton gris revêt une expressivité intense. Comme il l’avait fait à Marseille, Le Corbusier infusa la vie dans des matériaux inertes ; des rampes, des brise-soleil, des escaliers extérieurs et des saillies de toutes sortes confèrent une formidable énergie au volume en béton d’Ahmedabad.

Ces éléments avaient tous pour mission de répondre aux aléas du climat local, et le bâtiment était délibérément placé sous les vents dominants. Les brise-soleil des façades est et ouest ont été « calculés selon la latitude d’Ahmedabad et la course solaire exacte. (…)

Nicholas Fox Weber

 

© Photo E. Touchaleaume. Archives Galerie 54, Paris.

Grande table de forme libre dite « Managing committee table » (réf. LC-AH-01-A). L’immense « planche de surf » repose sur deux monumentaux pieds ovoïdes. La pauvreté du matériau, du simple contreplaqué de teck, est sublimée par un design parfait. Le Corbusier, collaboration B. Doshi. ET 1999.

 

© Photo E. Touchaleaume. Archives Galerie 54, Paris.

Grande table de forme libre dite « Managing committee table » (réf. LC-AH-01-A). L’immense « planche de surf » repose sur deux monumentaux pieds ovoïdes. La pauvreté du matériau, du simple contreplaqué de teck, est sublimée par un design parfait. Le Corbusier, collaboration B. Doshi. ET 1999.

 

© Photo E. Touchaleaume. Archives Galerie 54, Paris.

Bureau de forme libre, dit « Bureau du Vice-Président » (réf. LC-AH-03-A). Le Corbusier, collaboration B. Doshi. ET 1999.

 

© Photo E. Touchaleaume. Archives Galerie 54, Paris.

Meuble de rangement à portes coulissantes pour la cafeteria (réf. LC-AH-08-A). Le Corbusier, collaboration B. Doshi.

 

© Photo C. Baraja – E. Touchaleaume. Archives Galerie 54, Paris.

 Bureau console (réf. LC-AH-16-A).

 

© Photo C. Baraja – E. Touchaleaume. Archives Galerie 54, Paris.

Bureau de forme libre (réf. LC-AH-15-A).

 

© Photo C. Baraja – E. Touchaleaume. Archives Galerie 54, Paris.

Bureau de forme libre (réf. LC-AH-15-A).

© Photo C. Baraja – E. Touchaleaume. Archives Galerie 54, Paris.

La Villa Shodan

(…) « Doshi vit à l’œuvre le sens de la composition musicale de Le Corbusier lorsqu’il suivit le projet de la résidence privée (…) pour Surottam Hutheesing. (…) Cette villa raffinée – (…) vendue à un autre filateur, Shyamubhai Shodan avant son achèvement – démontre les prodiges auxquels aboutissait par sa souplesse la méthode de Le Corbusier.

Une merveilleuse enveloppe de béton brut ; pourvue de multiples ouvertures et terrasses, incorpore un jardin suspendu spectaculaire. (…)

A l’extérieur, la Villa Shodan se perçoit comme un manifeste corbuséen particulièrement opulent, avec son béton brut ambiant ponctué de panneaux peints aux couleurs audacieuses, d’un jaune et d’un vert claquant, et sa grande piscine ronde où des échelles orange vif entourent le périmètre de béton, mêlant la rudesse industrielle à une approche euphorique de la couleur. »

Nicholas Fox Weber, « C’était Le Corbusier », Fayard, 2009

 

Façade sud-ouest avec piscine. Lucien Hervé 1955.

 

©DR.

Vue du salon et du plan incliné y accédant. Deux chauffeuses de Pierre Jeanneret, petite table de forme libre en béton, banquette basse (réf. LC-AH-13-B). Lucien Hervé 1955.

 

 

© Photos Lucien Hervé. Getty Fondation, Los Angeles.

Vue du salon donnant sur la salle à manger. Deux réverbères « LCI » de Le Corbusier. Deux chauffeuses de Pierre Jeanneret, modèle créé en 1947 (n°25 du catalogue B.C.B., 1952). Lucien Hervé 1955.

© Photos Lucien Hervé. Getty Fondation, Los Angeles.

Réverbère d’intérieur sur pied, modèle « LCI » de Le Corbusier, créé pour la Cité Radieuse de Marseille, vers 1950 (réf. LC-LU-01-A).

 

© Photo C. Baraja – E. Touchaleaume. Archives Galerie 54, Paris.

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